Lettre du 21 octobre


Lettre du 21 octobre

L’anamorphose reste ouvert

Alors que l’on se retrouve ballotté par un temps médiatique et politique ressemblant à celui du début du confinement, nous avons décidé de faire en sorte que les activités de l’Anamorphose soient maintenues.

Le souvenir de notre paralysie collective à l’Anamorphose et partout ailleurs pendant le confinement est là pour nous rappeler la nécessité de prendre au sérieux la situation et de s’organiser en conséquence pour continuer à se tenir ensemble, à permettre la rencontre et à renforcer plus que jamais les idées, les débats, les complots et les désirs séditieux face à ce qui vient individualiser, produire de l’apathie et de l’injustice, et rendre ce monde mortifère.

Il n’y a plus à démontrer que la santé des gens n’est pas le souci du gouvernement, ni d’aucun pouvoir actuel ou potentiel. Au mieux, elle n’est qu’une modalité pour que l’économie puisse toujours mieux fonctionner. Macron n’a d’ailleurs eu de cesse de répéter, dans son discours annonçant la mise en place du couvre-feu, que le travail et le repli sur le domicile familial, essentiels à l’économie, devaient aussi constituer les seuls espaces de sociabilité à conserver et protéger. Malheureusement, pour certain.es, la sphère familiale n’est qu’un rêve perdu dans les limbes de l’isolement, et à l’inverse, pour d’autres, elle n’est synonyme que d’étouffements, d’oppressions et de violences sexistes.

La crise sanitaire est perçue comme une chance de repousser les limites de la marchandise au sein du monde vivant, et par là-même d’approfondir la soumission des corps et des esprits. Le contraste entre le symbole du couvre-feu – technique contre-insurrectionnelle mise en place pendant la guerre d’Algérie, la révolte des banlieues en 2005, et plus récemment pendant le mouvement des Gilets Jaunes à la Réunion – et le spectacle d’un Euralille ou d’un Lillénium bondés, en est un exemple criant.

Malgré le fait qu’elles viennent miner notre présence aux autres, nous continuons donc d’appliquer des mesures sanitaires contraignantes au sein de l’Anamorphose, en ne perdant pas de vue qu’elles doivent demeurer exceptionnelles. Ces mesures sont pour nous une condition malheureuse pour envisager sereinement la poursuite des processus collectifs dans lesquels nous sommes engagé.es.