Le régime de l’économie tend à unifier les êtres, les choses et les territoires en réduisant chacun à une valeur, dans un seul monde Un. Paradoxalement, cette unification est indissociable d’un processus d’atomisation, construisant les êtres en autant d’individus isolés, censés ne pouvoir se lier que dans le prisme de la valeur.
Dès lors, se battre contre ce régime que l’on nomme communément « capitalisme » consisterait à faire le geste de fragmentation, c’est-à-dire à adopter et cultiver une perception fragmentée du monde. Le livre Fragmenter le monde de Josep Rafanell i Orra nous invite à repenser les termes du politique, en percevant des mondes différents, ayant leur langage propre et leur singularité. La notion de monde désigne ici la façon que les êtres ont de se rapporter à leur milieu. Il s’agit de quitter la vision anthropocentrée posée par le régime capitaliste pour considérer la manière dont les humains habitent leur territoire, se rapportent aux êtres qui le peuplent et aux histoires de ces lieux. Si une multiplicité de monde existe, il s’agit de savoir comment naviguer à travers eux, comment faire des passerelles entre des mondes, et à l’inverse construire un rapport antagoniste contre ceux qui dénient la possibilité des mondes amis.
L’une des manières d’aller à la rencontre d’un autre monde est de développer une politique de l’enquête, c’est-à-dire une manière de partager les expériences. L’enquête est indissociable du récit de l’enquêteur : « L’enquête est forcément une affaire de collectifs. Le retour d’expérience auquel est conduit l’enquêteur, la transmission, engage des communautés qui se transforment en réorientant les situations qu’elles habitent. ».
Si Fragmenter le monde se situe sur un plan théorique, les réflexions que l’essai engage gagnent en consistance avec l’ouvrage collectif Itinérances. Réunissant une quinzaine de textes, ce recueil s’articule autour de différentes expériences, notamment autour de pratiques de soins, de manières de faire communauté et, ce faisant, nous pousse à repenser la question du communisme.
Nous vous invitons à venir découvrir ces deux ouvrages et, à partir des réflexions qu’ils engagent, à discuter de nos manières de nous lier, de partager nos expériences et d’interroger nos pratiques politiques.